Bon, OK, c’est avec 15 jours de retard, mais voici quand même un retour sur l’Agile Tour Nantes du 13 Octobre 2011.
Organisation : au top !
Avant tout, un grand coup de chapeau aux organisateurs : tout était parfait. Et le plus incroyable était l’impression de facilité… C’est la marque des très bons ! Il fallait voir les organisateurs prendre le temps de discuter avec chacun. On voit souvent des conférences où les organisateurs courent dans tous les sens pour régler les problèmes. Là, pas d’affolement : tout était organisé nickel en amont, la journée coulait peinard. Bravo, vraiment !
Keynote de Rémy Génin
Avec les suicides au sein d’Orange l’an passé, parler de l’utilisation des méthodes agiles pour remettre de l’humain au coeur du processus de développement était quelque chose de très délicat, et Rémy Génin l’a réussi avec une sensibilité et une franchise que j’ai trouvées extrêmement dignes.
On passe souvent beaucoup de temps sur les techniques lorsqu’on parle d’agilité, alors merci à lui de nous remettre bien en tête que l’humain reste la principale valeur de l’agilité.
Scrum, la fabrique de l’engagement, de Thierry Monthulé
Bon, ça va virer au panégyrique, mais vous m’accorderez que je ne parle pas de toutes les conférences que j’ai suivies, mais seulement de celles qui m’ont vraiment marquées. Et là encore, on a eu quelque chose de grandiose.
Evidemment, comparer les méthodes agiles avec les techniques de manipulation psychologique, ça peut paraitre osé à l’Agile Tour. Et dans un premier temps, je ne cache pas avoir eu un mouvement de refus instinctif de ces idées. L’agilité a été développée pour remettre l’humain au centre du processus de développement, pour qu’il reprenne la main sur des processus déshumanisés.
Mais, sans aucune agressivité ou malice, l’orateur présentait un à un des arguments qui se trouvaient être difficilement réfutable, et au bout de quelques temps, on se pose des questions graves… Comme par exemple : suis-je moins même manipulé lorsque j’essaie de “vendre” l’agilité à mes collègues ? Suis-je un salaud parce que des techniques de manipulation sont présentes dans les concepts que je supporte, même si je n’en étais pas conscient.
Je peux vous garantir que cette conférence a fait un sacré effet de douche froide dans la salle, et les questions étaient nombreuses. Et pas du tout dans un sens de justification : je pense que tout le monde présent avait compris que les arguments se tenaient, et que le temps n’était pas au déni, mais plutôt à l’adaptation de nos méthodes. En tout cas, personnellement, ça m’a fait pas mal réfléchir.
De l’importance du doute
Au repas du soir que j’ai eu le plaisir de partager avec l’équipe Agile Nantes, la discussion a pas mal dérivé vers la philosophie. Et je dois dire qu’après la conférence de Thierry Monthulé, ça m’a vraiment mis du baume au coeur de voir que tous les spécialistes de l’agile autour de la table était aussi fortement imprégnés de sujets non techniques. C’était un plaisir de discuter de l’importance du doute dans la récente histoire des neutrinos plus rapides que la lumière, des théories de Frédéric Lordon, etc.
Chapeau encore une fois aux organisateurs d’avoir eu l’idée de programmer une conférence s’attaquant de manière aussi frontale à un possible ronronnement placide de nos pratiques. Ca fait du bien… De la même manière que Frédéric Lordon donne une explication du capitalisme en expliquant que “à l’os”, il s’agit d’amener d’autres personnes à réaliser un projet que l’on ne peut pas mener seul, le risque derrière nos méthodes agiles est de tenter d’utiliser les affects de la même manière dans nos projets.
Il faut donc que nous redoublions d’attention sur le fait que l’humain au centre à la place des processus ne doit pas être uniquement un moyen d’obtenir la participation de l’équipe à un but externe, mais bien à un but qui bénéficie à chacun. Pour certains, cela peut être le fait de garder une équipe compétente dans une petite ville. Pour d’autres, de développer la soif de connaissances. En tout cas, il est essentiel de garder cette culture du doute…
Ma femme, dont la connaissance de l’agilité se limitait à quelques minutes de discussion avec moi quelques semaines auparavant, avait eu l’incroyable intuition, un soir que je rentrais d’une réunion Agile Vannes, de me saluer d’un terrible “alors, tu es revenu de ta secte ?”. Je suis persuadé que ses capteurs avait détecté dans ma foi du converti, dans la mise en avant des valeurs, une véritable dérive sectaire possible, même si elle le disait de manière humoristique. La conférence de Thierry Monthulé m’a fait me souvenir de cet épisode sous un jour nouveau, potentiellement effrayant.
A notre tour à tous, dans notre pratique de l’agile, de nous poser la question de nos réelles motivations. Bref, retour à la philosophie du doute… Personnellement, et ça devient de plus en plus vrai avec le temps, rien ne me rebute plus que quelqu’un qui ne doute pas. C’est même devenu presque un réflexe de me questionner sur la compétence et les intérêts de quelqu’un qui n’a pas de doute sur son propre discours ou sa compétence. Ce genre de conférence ne fait que renforcer ce sentiment.
Architecture et Agilité
Bon, je ne vais pas faire un retour sur ma propre conférence, certains s’en sont déjà chargés (merci, Dominique, pour le suivi twitter en temps réel)… Je vous renvoie juste aux slides de toutes les conférences (dont celle-ci, que j’ai fait fortement évoluer depuis sa première présentation à Vannes l’an passé) : Les slides
Conclusion
Une conférence troublante, des présentations de très bon niveau, des discussions passionnantes (et passionnées : il faut que je me rappelle de ne plus répondre quand on m’attaque sur le traditionnel conflit Java / .NET), une organisation parfaite… Moi, je signe tout de suite pour l’an prochain